Opposé à la fiction, le film documentaire ou documentaire est un genre cinématographique qui se distingue principalement par son caractère didactique ou informatif. Quel que soit le sujet qu’il cible, le documentaire vise à dépeindre le plus fidèlement possible, un aspect de la réalité. Pour parvenir à ses fins, il doit s’atteler à faire une description minutieuse d’un phénomène technique, sociétal ou humain.

Il est pourtant bien question d’une construction, et en ce sens, le film documentaire se présente davantage comme un art à part entière, art qui a consacré au fil des décennies de brillants artistes (cinéastes, documentaristes).

Petite histoire du documentaire

On se demande quelquefois si les premiers films tournés à partir de 1891 par William Kennedy Laurie Dickson, premier réalisateur du cinéma, pouvaient être considérés comme des documentaires. Dickson, qui était un employé de Thomas Edison, enregistrait ses essais dans les laboratoires de celui-ci à Orange. Ils mettent en scène l’équipe de collaborateurs autour du projet.

Sur une autre bande, on assiste à un pugilat amical improvisé entre les équipes. Vont suivre une dizaine de films réalisés par Black Maria, premier studio de cinéma. Dickson fait le choix de centrer ses films sur l’enregistrement des prestations d’artistes de music-hall, de danseurs, de jongleurs. Même si tous les sujets qu’ils abordent existent bel et bien, ces films relèvent une « mise en scène » évidente. En effet, les artistes étaient placés dans un étroit studio devant un fond noir et face à un appareil bien visible.

Cette façon de faire les enregistrements est vivement critiquée par les premiers censeurs du cinéma, mais va connaître une grande évolution dès 1894. Cette année-là, Louis Lumière enregistre les premières vues photographiques animées à l’aide de la caméra Cinématographe. Pour la presse de l’époque, les sujets sont au plus près du réel, « c’est le mouvement pris sur le vif ».

La philosophie du documentaire

Le propre du film documentaire veut que sa construction passe par le filtre du discours que souhaite tenir le réalisateur. Ce dernier est donc l’artisan d’une forme de manipulation du sens qui mène le spectateur, malgré lui, vers une destination voulue d’avance. Un film, quel qu’il soit, repose toujours sur cette illusion de vérité et le documentaire n’échappe pas au point de vue.

L’histoire d’un film de fiction est par définition extraordinaire, même si elle tire ses sources de faits réels. Tout le contraire d’un film documentaire, qui se base, certes sur des faits réels, mais qui peut être composé de vues arrangées. Même en dehors du docudrama, le documentariste demeure maître de ses choix. Le cadrage, les angles, la lumière, la musique, l’ambiance, les questions, et bien sûr la phase du montage sont la syntaxe de ce sens reconstruit.

Tout comme le réalisateur de film de fiction, le réalisateur de documentaires peut tout autant orienter son public dans la direction qu’il veut comme il est aussi libre de le tromper. Il est question pour lui « de tricher pour mieux voir, et cependant ne pas tromper le spectateur ».

L’exemple de Nanouk l’Esquimau, archétype du documentaire pour les historiens du cinéma, contient des scénarios qui violaient la réalité. Ainsi, le cinéaste Robert Flaherty obligea les chasseurs de morses, traditionnellement utilisateurs de fusils, à se munir de harpons. Une manœuvre qui mettait leur vie en danger. Cet exemple et bien d’autres illustrent parfaitement les nombreuses limites auxquelles se heurtent les « films du réel » dans leur mission de mettre à jour la réalité crue du quotidien. Entre exposition des faits et construction, l’art du documentaire est un art de l’équilibre.